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Le Grand Véfourjoyau gastronomique et lieu d’histoire


Dans la galerie de Beaujolais et jouxtant les jardins du Palais-Royal, le Grand Véfour, anciennement Café de Chartres, est un témoin prestigieux de l’histoire de France culturelle, politique et gastronomique.


Michel Faul*

Le 4 mai 1782, un certain Aubertot, limonadier, loua sur plan une maison au duc d’Orléans dans l’enceinte si prisée du Palais-Royal. Il ouvrit en 1784 le Café de Chartres. Rappelons que Louis XIV avait donné le Palais-Royal à son frère et qu’ainsi, les ducs de Chartres et d’Orléans successifs en furent propriétaires jusqu’à la Révolution. Le Café figurait en 1785 dans l’Almanach du Palais-Roya,l utile aux voyageurs : « Une nombreuse et bonne société se réunit dans ce vaste local pour y lire des papiers anglais et allemands. »

La Révolution avait fait naître le concept de restaurant avec une « carte », des prix fixes… Auparavant existaient des bouillons, auberges etc. dans lesquels peu de choix de plats étaient proposés au client. Les traiteurs seuls étaient habilités à préparer des plats en sauce. La disparition des corporations en 1791 ainsi qu’un personnel de cuisine réduit au chômage après l’émigration de leurs employeurs, donna l’idée à certains de créer des restaurants. Les cafés du Palais-Royal furent aussi des lieux de conspiration au moment de la Révolution. Le Café de Chartres devint par exemple le quartier général des ultras qui, après Thermidor, organisaient des battues contre les jacobins qui se risquaient alentour.

Plusieurs propriétaires se succédèrent avant l’arrivée de Jean Véfour qui rebaptisa l’établissement à son nom. À trente-six ans, il acheta en 1820 la maison où était installé le Café de Chartres. Il ajouta le qualificatif « grand » sur l’enseigne de son établissement en raison d’un homonyme installé non loin. Véfour voulait un restaurant somptueux pour contrer de nombreux rivaux du quartier. Il aménagea les trois niveaux, tous dotés d’une cuisine, et décora les salles avec un souci de luxe. Ornée de boiseries sculptées de guirlandes de style Louis XVI, l'entrée donne accès à deux salles ; aux murs, les miroirs alternent avec des toiles peintes fixées sous verre. Parmi les thèmes de la décoration : gibier, poissons, fleurs et femmes aux paniers fleuris. Au plafond, rosaces et guirlandes en stuc encadrent des allégories de femmes peintes sur la toile à la manière des plafonds italiens du xviii° siècle. À l'entresol, une salle ornée de boiseries pouvait accueillir de nombreux convives. La qualité de la cuisine était à la hauteur. Le Tout-Paris se pressait chez Véfour : « L'ancien Café de Chartres, après bien des fortunes diverses, est maintenant un des restaurants les plus achalandés de Paris. M. Véfour y a ramené la foule. Nulle part on n'y apprête mieux un sauté, une fricassée de poulet à la Marengo, une mayonnaise de volaille. Les salons sont encombrés dès 5 heures du soir d'une foule de dîneurs », écrivait Grimod de La Reynière qui ajoutait : « Le Café de Chartres est de ceux où l'on fait bonne chère pour un prix modéré. »

En 1823, Véfour revendit l’affaire à un ami qui le céda à son tour en 1827 aux frères Hamel. Le Palais-Royal n’était plus à la mode, en particulier avec la fermeture des maisons de jeux en 1836. Toutefois l’établissement continua de se bien porter. Parmi les clients habituels, Lamartine, Thiers, Victor Hugo… Pendant la Belle Époque, mondaines et demi-mondaines côtoyaient le beau monde dans l’établissement. Mais, au début du xxe siècle, le restaurant ferma, fut racheté par la chambre des huissiers de Paris qui s’établit au premier étage et loua l’établissement qui ne fut plus qu’un bistro sans intérêt et où l’on venait aussi pour jouer aux échecs.

À la Libération, Louis Vaudable, propriétaire du célèbre Maxim's, racheta l'immeuble et restaura le Grand Véfour. Mais il faudra attendre l'arrivée du chef Raymond Oliver en 1948 qui en devint propriétaire pour voir le restaurant renaître vraiment. Les célébrités accoururent à nouveau. Colette et Cocteau, en voisins, en firent leur cantine, entraînant à leur suite intellectuels, politiques et artistes : Sartre, Malraux, Aragon... Raymond Oliver obtint une 3e étoile en 1953. Plus près de nous, un attentat perpétré le 23 décembre 1983 fit une dizaine de blessés et endommagea les lieux. Jean Taittinger s’en porta acquéreur pour le groupe du Louvre. Il fallut seize mille heures de travail pour restaurer l'établissement. Toutefois, après la perte de la 3e étoile en 1984, Raymond Oliver abdiqua.

Le 1er novembre 1991, le chef renommé Guy Martin arriva au Grand Véfour comme directeur. Il récupéra une 3e étoile en 2000 et, en 2011, en devint propriétaire. On peut désormais déguster quelques ravioles de foie gras, un parmentier de queue de bœuf aux truffes ou le fameux pigeon Prince Rainier III…

*Retrouvez Michel Faul en organisant, entre amis, une visite d’un quartier mythique de Paris dans l’esprit du magazine (consultez : http://paris-visites.wixsite.com/paris-visites). Vous pouvez également obtenir des informations par téléphone : 06 07 94 56 84. C’est vous qui choisissez le jour, l’heure et l’un des parcours proposés sur le site !

 
 
 

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