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La Samaritaine

Parisien, provincial, étranger… chacun reconnaît de loin, d’une rive ou de l’autre de la Seine en approchant le Pont-Neuf, la silhouette caractéristique de ce grand-magasin, dominant l’angle de la rue de la Monnaie avec le quai du Louvre. On ne peut qu’avoir l’œil attiré par ce grand édifice aux lignes Art-déco, à la façade imposante, à la toiture « en gradins », aux perspectives si repérables dans le décor du quai, affirmant toujours l’empreinte d’une époque passée et semblant paradoxalement le dispenser de tout vieillissement. Serait-ce le secret de quelque fontaine de jouvence ?

Dominique Ghesquière


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Ce véritable monument, cette personnalité parisienne légendaire a enraciné, depuis des générations, son nom puis sa célébrité, laissant entre autres, dans la mémoire collective, telle la maxime de quelque personnage illustre, l’un de ses plus fameux slogans : « On trouve tout à la Samaritaine ! » L’expression se veut commerciale, rassurante, tout en coiffant l’enseigne d’un panache doucement orgueilleux, sympathique et charmant… Paris quoi ! Mais cette Samaritaine possède aussi, dans sa réserve, une incroyable histoire, sinon Histoire, dont les pages remontent à celle de Henri IV, semblant toujours, depuis sa statue équestre en bronze, à la pointe du Square du Vert-Galant, veiller d’en face sur le magasin qu’il aurait peut-être bien aimé connaître.


La fontaine

En 1602, les travaux d’union du Louvre et des Tuileries nécessitent une quantité d’eau plus importante que celle fournie par les aqueducs de Belleville, des Prés Saint-Gervais et de la Fontaine de la Croix-du-Trahoir. Pour y remédier, Henri IV adopte alors les plans du Flamand Jean Lintlaer concepteur d’un ingénieux procédé d’« élévateur d’eau », permettant d’amener celle de la Seine jusqu’au niveau du Louvre, des Tuileries, du Palais Royal ainsi que des quartiers adjacents.

Jouxtant la deuxième pile du Pont-Neuf, en venant de la rive droite, supporté par d’énormes pilotis de bois, est construit, sur les dessins de Robert de Cotte, un charmant petit édifice. Celui-ci abrite au niveau du fleuve, le mécanisme à aube de la première pompe à eau de Paris ; au-dessus, à hauteur du tablier du pont, se situe le rez-de-chaussée, surmonté d’un premier étage, lui-même couronné d’un campanile. Mais l’importante installation perturbe la navigation fluviale, générant maintes contestations et un retard dans les travaux. Leur achèvement, en 1608, révèle enfin toute la finesse du système hydraulique aux badauds stupéfaits et ravis d’ajouter à l’attrait du Pont-Neuf à peine en service, cette curiosité supplémentaire. Les quinze cloches du carillon jouent à chaque heure des airs variés tandis que parallèlement « l’horloge montrait les chemins parcourus par le soleil et la lune sur l’horizon, les douze mois de l’année et les douze signes du zodiaque ».

La façade de ce charmant petit édifice où – entretien oblige – loge de Lintlaer (1) en qualité de « maître de la pompe du roi», est ornée d’ « un bas-relief en bronze doré, représentant la rencontre du Christ et de la Samaritaine au puits de Jacob. Celui-ci, figuré par un bassin également doré, recevait d’une large coquille placée au-dessus, un flot d’eau jaillissante ».

La perfection hydro-mécanique fera couler à cette horloge, non sans quelques caprices, des années heureuses durant plus d’un siècle et demi. En 1772, le bâtiment dit de « La Samaritaine », bien fatigué, est restauré par Jacques-Germain Soufflot et Ange Jacques Gabriel. Il est redécoré plus joliment, rehaussé d’un étage supplémentaire, tandis que le carillon, malade, bénéficie d’une guérison, redonnant ainsi au temps, le rythme délicieux de ses tintements si attendus des Parisiens. En 1813, l’arrivée progressive de l’eau de l’Ourcq, contraint, dit-on, ce carillon à sonner sa dernière heure. Après avoir hésité à l’installer dans le clocher de la Tour-Saint-Jacques, ses cloches seront finalement fondues et composeront l’une de celles de Saint-Eustache. Le temps, maintenant muet, fera oublier peu à peu l’animation de l’ingénieuse horloge… et le charme de l’adorable bâtiment disparu. Quant à la fontaine, elle laissera dans un amusant sizain, son allusif souvenir associé à celui des nuits agitées du quartier : « Arrêtez-vous ici, passant, / Regardez attentivement, / Vous verrez la Samaritaine, / Debout au bord d’une fontaine, / Vous n’en savez pas la raison, / C’est pour laver son cotillon. »


Les bains

Curieusement, le lieu et le nom continuent à être associés aux vertus de l’eau. Plusieurs années après la démolition de la fontaine, sur son emplacement, est établi vers 1830 (2) un établissement de bains baptisé, en sa mémoire, La Samaritaine. La base est constituée par la coque d’une longue péniche, surmontée de deux étages aux multiples fenêtres encadrées de colonnes, lui donnant l’aspect d’un immeuble flottant amarré au quai. Blanc, élégant et superbe, le bâtiment dispose d’un matériel digne des meilleurs établissements thermaux. Tout y a été pensé pour offrir aux baigneurs les plus exigeants, l’ensemble des commodités attendues. Une centaine de petits cabinets décorés agréablement disposent chacun d’une baignoire. On y propose des bains chauds ou froids, classiques ou médicaux, simples ou élaborés afin d’en amplifier les effets thérapeutiques.

Les machines de filtrage de l’eau et de chauffage, installées sous les combles, évacuent leurs fumées par des cheminées dissimulées dans trois palmiers métalliques surmontant la toiture. De tous les établissements de bains en bordure de Seine, ceux de la Samaritaine sont les plus élaborés. Accosté quai du Louvre, au pied du Pont-Neuf, le bâtiment très prisé des nombreux baigneurs, minutieusement entretenu, supportera durant plus de quatre-vingts ans, les courants du fleuve, les remous des bateaux, les hivers difficiles, les intempéries et même la crue de 1910. Plus acharnée et plus violente, celle de 1919, arrachera les amarres, endommagera la coque et fera couler le légendaire établissement dont le destin, ironique, vient clore la carrière par un irréversible « bain » dans la Seine. Nostalgique, observant les ferrailleurs dépecer l’épave, un journaliste paraphrasera : « Nous n’irons plus aux Bains, les palmiers sont coupés. »

Heureusement, malgré le désastre de la disparition de l’établissement balnéaire, une autre « sommité » maintiendra le souvenir de la fontaine et le nom symbolique de la Samaritaine.


Symbole et célébrité

Du naufrage de ces bains dont elle porte aussi le nom, elle est l’observatrice muette depuis les lanterneaux qui coiffent les dômes de ses deux hautes tourelles d’alors, voulues pour bien la signaler. Nous sommes en 1919, et depuis sa construction, il y a seize ans, la silhouette de La Samaritaine disparaît derrière les vieux immeubles de l’étroite rue des Prêtres de Saint-Germain l’Auxerrois, dont l’enchevêtrement urbain obstrue, à l’arrière, la vue sur le quai du Louvre et la Seine, site qu’elle occupera plus tard…

Rappelons que son nom si symbolique est apparu juste avant la guerre de 1870, rue du Pont-Neuf, dans un bâtiment tout proche dans lequel elle continue de poursuivre parallèlement sa carrière exceptionnelle. Son succès indéfectible issu du génie commercial de ses fondateurs visionnaires ainsi que de leur intelligente organisation, pérennisera cette enseigne grâce à ses deux magasins si appréciés de la clientèle. En doublant de ce fait son attrait justifié, elle accroît son renom issu de son patronyme prononcé par ses milliers de chalands. Et plus ils le prononcent, plus il grandit, et plus il grandit… plus il s’abrège : tout le monde ne connaîtra bientôt plus que « La Samar… ! » Tel est le secret de sa célébrité !


Petit magasin deviendra grand

Pour en évoquer la source, il faut d’abord remonter le cours de bien longues années, s’éloigner de Paris, se diriger vers la Charente maritime, ou plus justement la Charente inférieure, comme on le dit alors, et s’arrêter précisément à Saint-Martin en Ré où naît, le 2 octobre 1839, Théodore Ernest Cognacq. Marqué à onze ans par la disparition de sa mère, Marie Anne Fanny Button, il est élevé par son père, Jacques, greffier au tribunal (3), assurant seul le double rôle parental. Lorsqu’il questionne son fils sur sa future carrière, Ernest fait osciller ses souhaits entre celle de marin (4) et celle de comédien. Ces belles perspectives resteront hélas projet. Le décès brutal de son père – voire peut-être son suicide, conséquence de sa ruine causée par les indélicatesses de son associé – oblige le jeune garçon à quitter à treize ans le Petit Séminaire duquel il devait sortir pour accéder à l’École navale. Plongé aussitôt dans les rigueurs de la vie, il révèle rapidement des qualités d’ordre, de facilité d’adaptation et surtout de courage : autant d’éléments indispensables à sa réussite.

Dès lors pour Ernest il n’est qu’un unique objectif : gagner sa vie sans délai. Il trouve un emploi à La Rochelle, chez un marchand de nouveautés et devient « calicot » − nom désignant alors un vendeur de vêtements, de tissus et accessoires de mode pour dames. Ambitieux, il se risque à Bordeaux puis à Paris : il a seize ans et se présente aux « Magasins du Louvre » tout nouvellement créés. Bien que prêt à accepter l’emploi le plus modeste, on le rejette pour manque d’aptitude. Il est jeune, il a faim et, ressentant combien Paris est dur lorsqu’on n’a pas le sou, le « calicot » repart, comme il le peut, à La Rochelle. Quelques mois plus tard il remet le cap sur Paris dont il a l’obsession. Plus chanceux cette fois, il réussit à entrer comme vendeur à « La Nouvelle Héloïse », rue Rambuteau. Ses dix-neuf ans lui donnent un certain charme apprécié semble-t-il par Mlle Louise Jay, l’une des vendeuses. Mais la myopie d’Ernest complique sa timidité : il n’ose se déclarer et, de plus, une étourderie dans son travail va lui coûter sa place.

Il devient alors vendeur à la boutique « Notre Dame de Lorette » ; on le retrouve ensuite au rayon mercerie des « Dames françaises », rue de Bucy, puis encore au magasin « À la Madeleine », sur le boulevard du même nom, non sans avoir passé préalablement quelques mois aux « Quatre fils Aymon », boulevard Beaumarchais. De boutiques en magasins, il apprend son métier, parvient à en vivre et économise opiniâtrement, afin de pouvoir réaliser son rêve : « s’installer ».

Être réformé pour « faiblesse de poitrine » par le conseil de révision de La Rochelle ne l’attriste nullement, bien au contraire ! Débordant de vie et d’espoir, il ouvre rue de Turbigo, en 1867, une minuscule échoppe à l’enseigne du « Petit Bénéfice ». Un écriteau signale : « Ici, on ne paie pas la dîme de luxe. » Le ton est déjà donné… Les prix y sont modestes, mais la vente n’est pas la gestion et son essai se fait désastre. Le revoici à la rue, enrichi cependant par l’expérience acquise. L’ex-futur comédien a du bagout et de l’esprit, et à défaut d’être navigateur, il voyage et parcourt les grandes villes du pays : Marseille, Avignon, Lyon, Bordeaux, proposant dans les foires toiles, tissus ou objets divers, observant les goûts des clientes, détaillant leurs attitudes et cultivant l’argument de vente. Mais il a toujours Paris en tête, et un jour il s’installe sur le Pont-Neuf, avec ses coupons de tissus, sous un parapluie. Sa sagacité, ses bons mots, son habileté au commerce séduisent la clientèle fort nombreuse en cet endroit de Paris… Acheteur ou simple passant, remarquant son aisance, lui décernent le sobriquet du « Napoléon du déballage ». Les affaires comme les bénéfices finissent enfin par lui sourire. Mieux encore, le patron du café où il se rend parfois, au coin de la rue de la Monnaie, désire sous-louer une partie de sa salle, trop grande pour lui. Ernest bondit sur l’occasion et, devenu prudent loue, mais à la journée et pour 15 francs, « son espace ». Bien situé, fort passager, c’est une clientèle diversifiée qui poussera sa porte : depuis les bourgeoises distinguées en quête de tissus fins pour faire réaliser des robes élégantes, jusqu’aux marchandes des Halles, toutes proches, à la recherche de toiles robustes dans lesquelles elles couperont leurs tabliers… Ajoutons aussi des curieuses, venues après un passage au magasin voisin de « La Belle Jardinière », pour cueillir ici quelques dernières nouveautés. Les recettes s’étoffent, l’affaire prend de la carrure. À partir du 21 mars 1870, Ernest loue au bail, repeint et agrémente peu à peu son local initialement bien spartiate et baptise alors sa boutique « À la Samaritaine », en souvenir de la célèbre fontaine riveraine dont nous connaissons maintenant la longue et belle histoire.


Per Laborem

« Par le travail » : telle est, en latin, la devise dont Ernest fera profession de foi durant toute sa carrière et que, plus tard, son personnel transformera en « Père Laborem », pour rendre hommage au labeur incessant de leur directeur. Dès ses débuts, « Sa » Samaritaine, Ernest ne la quitte jamais ! Boulimique de travail, il ne s’arrête pas un instant, stimulé par le bonheur de son métier, l’amour de la clientèle et par la montée des bénéfices grâce auxquels il pourra bientôt acquérir la salle de café dans sa totalité. Puis, d’année en année, patiemment, et un à un, il achètera les étages de l’immeuble dont il deviendra finalement le propriétaire.

Mais 1870, estampillée « Année Terrible » par Victor Hugo, voit les Prussiens occuper Paris. L’angoisse tenaille Ernest quant à son devenir. Enrôlé dans la Garde nationale, l’un de ses amis, chargé d’assurer la fourniture de pantalons rouges pour l’armée, transforme le patron de la Samaritaine en « ouvrier coupeur-tailleur » passant ses pauses et ses moments hors faction, dans un atelier afin de réaliser quantité de culottes de militaires.

La guerre prend fin la vie reprend, et l’espoir avec, d’autant que le hasard fait retrouver à Ernest Mlle Louise. Désormais loin de la « Nouvelle Héloïse », elle est devenue première vendeuse en confection aux « Magasins du Bon Marché ». La timidité du jeune homme aujourd’hui bien disparue, permet aux deux collègues d’autrefois de se parler… Elle connaît le courage d‘Ernest, sa ténacité, sa réussite ; et lui sait les qualités de loyauté de Louise, économe, déterminée, attachée également à la réalisation d’un travail bien fait. Et en plus ils se plaisent, si bien que le 17 janvier 1872, à la mairie du cinquième arrondissement, en unissant ses jours à ceux d’Ernest Cognacq, Mlle Louise Jay, née le 1er juillet 1838 à Samoëns en Haute-Savoie, devient tout à la fois, Mme Cognacq et la patronne de La Samaritaine.

S’ils réunissent leurs économies respectives pour le bonheur immédiat de leur magasin, ils joignent tous deux leur science du métier, acquise de part et d’autre, pour le faire prospérer davantage. Si, grâce au difficile chemin parcouru et à des résultats éclatants, le comédien qu’il n’est pas devenu, s’est fait artiste de la vente, Louise, elle, s’est habituée à gérer la clientèle en appliquant les théories commerciales devenues siennes et acquises au fil de son séjour au « Bon-Marché ». Encadrée par de tels experts, « leur » Samaritaine ne peut qu’évoluer vers le succès. La méthode, la rigueur et les dépenses contrôlées sont les maîtres mots de M. et Mme Cognacq, parfaitement complémentaires : lui voit grand, et elle dans le détail. On ne jette rien, depuis la moindre ficelle jusqu’aux morceaux de papier, et l’on fait le maximum par soi-même pour limiter les charges inutiles !

Le système se révèle efficace. En 1871, dans ses 8 m sur 6, La Samaritaine fait un chiffre d’affaire de 300 000 francs, et emploie deux salariés. Trois ans plus tard, ils sont quarante et le chiffre s’élève à 800 000 francs… En 1895, les 40 millions sont atteints ! On parle partout de La Samaritaine…

Curieusement, et là dans un autre genre, deux ans plus tard, le théâtre de la Renaissance crée un « Évangile en trois tableaux » d’Edmond Rostand : La Samaritaine… avec Sarah Bernhard. S’il n’y a absolument aucun rapport avec la fameuse enseigne, le titre l’évoque indirectement, on le lit sur les colonnes Morriss, et associé à une ambassadrice des plus talentueuses !

Le succès constant du magasin lui fait élargir ses surfaces, exploser ses résultats, augmenter et diversifier ses personnels : vendeurs, vendeuses, caissières, couturières, ouvrières, chefs de service. Les rayons se multiplient, les produits étendent leur gamme, leur qualité s’élève. À partir de 1890, déjà, non seulement les Cognacq possèdent l’immeuble du café « fondateur » dans sa totalité, mais aussi, ceux situés entre les rues de Rivoli, du Pont-Neuf, et de la Monnaie. Quinze ans plus tard, on aboutit à la création d’un vaste magasin dont l’intérieur aura été entièrement revu, sans en modifier les façades. De plus, jusque la fin des travaux et des agencements, pour ne perdre ni temps ni vente, celle-ci continue dans les sous-sols aménagés à cet effet. Ainsi s’est établi le magasin n°1 de la Samaritaine flatté quelques années plus tard par l’installation d’une façade neuve sur la rue de Rivoli, « habillage » verre/métal imaginé par l’architecte Frantz Jourdain, sollicité ensuite par Cognacq pour étendre son procédé à l’ensemble du groupe d’immeubles constituant le magasin.

En 1903 se bâtit le magasin n°2. Il s’étend entre les rue de l’Arbre sec, rue Baillet, rue de la Monnaie et le long de la petite rue des Prêtres Saint-Germain l’Auxerrois, déjà évoquée.

La physionomie de l’immeuble suscite des controverses. L’architecte Jourdain, conçoit son œuvre en 1903, dans le style Art nouveau, influencé par la mode du moment, elle-même guidée par les réussites de Gustave Eiffel. Le choix d’une structure constituée de verre et de métal, offre de surcroît plusieurs avantages. Les deux tourelles surmontées de leur dôme, coiffé chacun de son lanterneau, signalent de loin le magasin dans la rue et en délimitent les extrémités. Cette façade, rythmée de fines colonnes métalliques grises, s’agrémente de plaques de lave émaillées ocrées, rehaussées de motifs floraux colorés et caractéristiques, imaginés pour capter aussi le regard du client. Quant au verre, il fournit de larges surfaces vitrées propices, dans cette rue étroite, à optimiser l’éclairage intérieur en secondant, de fait, une électricité encore balbutiante. Mais la mise en place de cette structure permet surtout une avancée plus rapide des travaux, corroborant l’éternel désir d’Ernest Cognacq : perdre le moins de temps possible pour rentabiliser au plus vite son magasin.


Choyer la clientèle

Servir le public, orienter son choix, le satisfaire, nécessite tenue, courtoisie et méthode. Soucieuse de la juste mesure, celle déterminant la classe du magasin, Mme Cognacq encadre le personnel dans la manière de se vêtir. Elle l’enjoint au port de tenues classiques : costume sombre, chemise blanche pour les hommes… Pour les femmes, la coquetterie est interdite, tout comme la robe de soie ou de velours : trop d’éclat risquerait d’éclipser ou de choquer une cliente moins favorisée. La tenue et l’encolure se veulent sobres, le lainage neutre est imposé noir ou blanc, et les bas doivent être de fil noir. L’employé accompagnant une cliente ne peut la quitter sans s’être assuré impérativement qu’un autre employé s’occupe d’elle. « Rien ne pouvait plus mortifier Ernest et Louise que de constater qu’une cliente ne trouvait pas chez eux ce qu’elle cherchait ! »

Les patrons s’absentent le moins possible et, au moment du repas, Louise déjeune toujours après son mari, afin de maintenir, par la présence permanente de la direction, cette image de rectitude du magasin, si appréciée de toute les dames constituant la clientèle.À La Samaritaine, la cliente est reine, elle est servie et renseignée avec une infinie complaisance. Comme l’écrit Émile Zola (5) dès 1883, c’est absolument Le Bonheur des dames ! La cliente, constitue une ressource infinie à elle seule… En plus de ses rituels corsets, garants de sa taille fine, elle succombe aux courants saisonniers de la mode, aux robes, chemisiers, chaussures ou manteaux. Mais si cette cliente, cède également à la lingerie fine, elle ne résiste ni au linge de table ni à celui de maison : deux éléments déterminants pour personnaliser le décor et le ton de son intérieur sur lequel ses visiteurs la jugeront.

Observant l’évolution des goûts de leur clientèle, les Cognacq conçoivent bientôt une « Samaritaine de luxe ». Dans le quartier de l’Opéra, voisinant le Grand-Hôtel, pour séduire la classe huppée et les touristes fortunés, un immeuble est acheté au 27 du boulevard des Capucines. L’aspect de sa façade très « nouveau style » aux jolies nuances de bleu, ses colonnes métalliques, ses bandeaux de mosaïques florales séparant les étages, signent la hardiesse architecturale du moment imaginée par le fidèle Frantz Jourdain, mais en collaboration, cette fois, avec Georges Bourneuf. Inauguré en 1917 après deux ans de travaux, le magasin se démarque par des conceptions novatrices, comme l’escalier à plusieurs révolutions incorporant les ascenseurs, mais surtout par la distinction des produits représentés et proposés. « C’est un bijou précieux au parfum d’intimité mondaine » notera Gaston Fleury dans Le Figaro. Il va sans dire que le type de clientèle rapidement fidélisé ne fait pas fléchir les recettes de La Samaritaine, dont le nom – soulignons-le – demeure bien le même pour l’ensemble des magasins.

Indépendamment de cette vitrine de faste, dans les deux autres établissements, les tabliers, les blouses, les chemises, les vestes, les lainages, les coupons de tissus divers, les paletots et les draps captent toujours la foule avertie par la presse des périodes de prix à rabais, nullement réducteurs de la qualité des produits proposés.

Avec le même amour du service à la clientèle, l’éventail de La Samaritaine s’ouvre ainsi à tous les publics de la société : depuis les acheteurs les plus privilégiés jusqu’aux clients les plus modestes – et ils sont nombreux. « Ce sont eux qui nous apprennent à bien acheter ; la plupart ont un budget limité, et regardent au sou près lorsqu’ils achètent, ce sou-là, nous devons y penser avant eux. » En disant ces mots, l’ex-« Napoléon du déballage » n’a pas oublié ses temps difficiles sur le Pont-Neuf… même si la Samaritaine franchit aujourd’hui le Pactole !

Aux incroyables recettes s’ajoute le succès de la vente par correspondance : sont expédiés des centaines de colis chaque jour ; et dans un tout autre espace de la maison, se préparent des centaines de repas gratuits, servis quotidiennement au personnel. Un personnel respecté par une direction soucieuse de son bien-être, élément fondamental à son épanouissement et donc à son dévouement et son efficacité.


Progressistes

Vers 1910, pour pallier l’indigence sociale touchant la classe ouvrière alors dénuée notamment de la sécurité sociale et des allocations familiales, Ernest et Louise vont offrir un système de protection à leurs employés. Lorsque le malheur frappe l’un d’entre eux, les excédents de la maison peuvent bien supporter de les aider un peu ! Les affaires sont florissantes… La Samaritaine distribue pour plus de cent millions de francs de salaires, de gratifications et de parts bénéficiaires.

Ces dernières constituent l’aboutissement du projet social, ingénieusement échafaudé par les Cognacq, soucieux de joindre la discrétion à leur philanthropie. En 1914, ils vont associer à l’entreprise leurs employés dont le travail contribue à sa prospérité, ainsi qu’aux bénéfices. « Après réserve faite de 15% pour la gérance, 20% du capital action à titre de dividende, le bénéfice restant est réparti à concurrence de 65% au personnel ». De plus, la moitié du capital-action lui est proposé à l’achat, avec un droit préférentiel. Ces actions de la société doivent être possédées par chaque membre, et rachetées par d’autres en cas de décès. Ces mesures sociales et avant-gardistes sont établies pour protéger l’avenir du personnel, un personnel quelque peu devenu à la fois employé et patron. Quant au client, inconsciemment ou non, il devient un philanthrope. Les moins favorisés peuvent d’ailleurs, dès 1912, acquérir des biens de consommation par le biais de bons de vente, sorte de crédit géré par la société La Semeuse, sous l’égide de La Samaritaine.

Les patrons de la grande maison n’ont pas d’enfant mais ils songent, avec une générosité sans bornes à ceux de leurs employés et leurs proches, ainsi qu’aux enfants peu chanceux et à ceux des familles nécessiteuses.

Leur plan, paternaliste et social, va bientôt se renforcer par la création de la fondation Cognacq-Jay. Après la fin de la Première Guerre mondiale, elle sera reconnue d’utilité publique, proposant progressivement, et dans le souci d’assister d’abord le personnel : une maison de retraite à Rueil, gratuite pour les anciens employés de la Samaritaine ; une pouponnière qui assure gracieusement, la garderie jusqu’à l’âge de cinq ans, de cinquante enfants du personnel ; un centre d’apprentissage à Argenteuil enseignant la couture à une soixantaine d’orphelines ; une maison de repos à Mounetier-Salève (Haute-Savoie) qui recueille pour quelques semaines des employées déprimées ou souffrantes ; l’œuvre des « enfants à la montagne », qui envoie chaque année deux-cents petits Parisiens en Savoie ; un groupe d’habitations à bon marché à Levallois-Perret comprenant 236 logements pour des familles nombreuses. L’Académie française sera chargée de choisir parmi celles-ci les plus méritantes et de leur attribuer les célèbres prix de la fondation Cognacq Jay.

Tel est l’impressionnant bilan social du couple dirigeant La Samaritaine dont la bienveillance, le sérieux et la loyauté à l’égard de son équipe parviennent à offrir à celle-ci des acquis à la hauteur de sa fortune ainsi partagée. Elle est bien là, cette fortune : ils ont eu, comme ils le disent simplement, « la chance qu’ils méritaient », mais grâce à quelle énergie et quelle ténacité !

Depuis leur début, ils en expérimentent la recette en travaillant du matin au soir, toute l’année, tout le temps, loin de toute existence mondaine, sans le moindre jour de vacances, sans le plus petit voyage, sans la plus minuscule maison de campagne.Comme à leur début, ils arrivent à neuf heures au magasin, ensemble. Plus tard ils auront tous deux leur voiture, mais n’en utiliseront qu’une seule, pour ne pas consommer deux fois de l’essence. Puis, de la même manière, le soir, ils ne repartent qu’à sept heures, voire souvent plus tard, et regagnent leur domicile, 65, avenue du Bois de Boulogne.

D’aucuns jugent parfois Louise parcimonieuse. Non : elle aime l’argent, mais à condition de lui donner un sens. Le visage à la fois aimable et très sérieux imposé par son rôle de patronne, dissimule encore l’esprit charmant de la petite demoiselle de Samoëns. Elle n’oublie ni sa région, ni sa ville natale où elle fait implanter un jardin botanique. Il sera qualifié de « plus beau jardin alpin d’Europe », lorsqu’on l’inaugure, en 1906, après quatre ans de travaux importants. Sous son contrôle attentif, le paysagiste genevois Jules Allemand, plante et sème, sur un peu plus de trois hectares, à sept cent mètres d’altitude, quantité de fleurs de montagne d’espèces diverses, bordant une succession d’allées, de rochers et de cascades. À ces micro-paysages des plus réussis, la fondatrice Louise Jay laisse son nom, et sa « Jaysinia » deviendra, à sa mort, propriété de la ville de Samoëns.

Quant à Ernest, la passion des tableaux de peinture s’affirme presque comme un violon d’Ingres dès 1890. Progressivement, sa collection va se distinguer par des tableaux de maîtres exceptionnels comme Louis-Léopold Boilly, François Boucher ou Jean-Honoré Fragonard. Elle se complètera également de dessins, de pastels, de bibelots précieux, de petites sculptures et de pendules, le xviiie siècle constituant essentiellement l’axe artistique de sa collection dont chaque pièce nouvelle est toujours acquise de concert avec son épouse. À ses fondations philanthropiques, Ernest Cognacq joint une fondation artistique en léguant à la Ville de Paris l’ensemble de ses collections. Celles-ci, exposées dans l’immeuble jouxtant « La Samaritaine de Luxe », élèvent par leur raffinement, la qualité du lieu en soulignant à la clientèle privilégiée ou aux simples visiteurs, les connaissances artistiques et picturales pointues du maître des lieux.

Rappelons qu’en 1906, ce mécène a racheté à la mort d’un de ses amis de l’île de Ré, René-Théodore Phelippot, essayiste et amateur d’art, l’ensemble de ses collections afin de les offrir à sa ville de Saint-Martin en Ré, y constituant le fonds de ce musée Cognacq-Jay, créé en 1907.

Reste que les affaires demeurent en permanence dans l’esprit d’Ernest, toujours tourné vers les autres, précurseur, en quête d’idées novatrices, s’investissant, dès 1908, dans l’Esperanto, langue internationale devant, selon lui, servir le commerce. Ne se rend-il pas chez ses homologues de Berlin ou de Londres pour observer le « rythme » de leurs magasins ?

Professionnelle ou sociale, la philosophie des Cognacq-Jay s’inscrit essentiellement dans le cadre immense de leur Samaritaine… Il constitue toute une vie d’occupations incessantes, audacieuses, commerciales, financières, humaines, un mouvement perpétuel faisant oublier le temps : et celui-ci avance si vite !


Prévoir la suite

Bien qu’aimant les enfants, les Cognacq-Jay sont sans descendance. Leurs tentatives d’adoption se sont soldées par des échecs à peine croyables : la première, une jeune fille de La Rochelle, choisira la vie monacale ; tout comme le deuxième, un jeune homme, dont le choix s’orientera vers les Ordres.

Ernest et Louise se tournent alors vers leur neveu : Gabriel Cognacq. Il devient en quelque sorte le fils de substitution de l’oncle et de la tante. Totalement « ressenti » par tous les deux, ils lui assurent l’enseignement supérieur et l’éducation indispensables à pouvoir piloter tôt ou tard l’immense vaisseau Samaritaine. Diplômé de l’école des Hautes études commerciales, il seconde, avec un sens affirmé des affaires, les fondateurs rassurés et vieillissants, mais toujours à la tâche et aux commandes.

Aux derniers jours de l’automne 1925, chacun est surpris de l’absence de Louise au magasin. Son énergie coutumière n’a rien trahi jusqu’alors. Et puis, le 27 décembre, la nouvelle du décès de « Madame » se répand dans les deux magasins, puis rapidement dans Tout-Paris.

Le Figaro du lendemain annonce pour, le 30, les funérailles de Louise Cognacq-Jay, « chevalier de la Légion d’honneur ». L’article précise « ni fleurs, ni couronnes » et rappelle que « selon sa volonté expresse, les magasins ne seront pas fermés ce jour-là ».La vie et le travail continuent, selon la devise appliquée par « le Père Laborem », désormais privé de son bras-droit. Sans doute trouve-t-il un réconfort en voyant changer de visage son magasin n°2.

Dans le but d’élargir celui-ci, entre 1920 et 1922, Ernest Cognacq a racheté l’ensemble des immeubles très anciens bordant la rue des Prêtres de Saint-Germain l’Auxerrois.

Trois ans plus tard, libres d’occupation, il obtient le droit de les faire abattre, ouvrant dès lors, tel un rideau, l’accès au quai pour y réaliser, dans le respect des surfaces cadastrales (6), la construction du nouveau bâtiment. Pour la structure de celui-ci, Ernest Cognacq sollicite, comme en 1903, l’imagination de Jourdain, mais avec la collaboration, cette fois, de l’architecte Henri Sauvage, chargé de ne pas reprendre le style d’origine, trop marqué, voire daté.

Si l’ouvrage initial de Jourdain est avantageusement débarrassé de ses deux tourelles, l’intérieur conserve, en revanche, son grand hall de style Art nouveau coïncidant avec le rez-de-chaussée du bâtiment neuf de la Samaritaine, élevé juste devant. La physionomie de celui-ci révèle un compromis de pierre de taille et de métal, de larges fenêtres, de balcons et d’étages en gradins aux tracés Art-déco. Ce remodelage, bien discuté à son tour, lui façonne néanmoins un visage neuf, observé désormais d’une rive à l’autre de la Seine, tout comme on le fait aujourd’hui ! Grâce à ses métamorphoses – et fidèle à sa parabole –, La Samaritaine retrouve le bord de l’eau !

Son rajeunissement imaginé par ses deux architectes se poursuit sur toute la superficie du magasin N°2, s’étendant, via le grand hall et par verrière interposée, du bord de Seine (quai du Louvre) jusque la rue Baillet. L’agencement complet de cette immense installation s’achève en 1928. Hélas, le fondateur ne verra jamais sa Samaritaine telle qu’il l’a reconçue. Le 21 février 1928, Ernest Cognacq « commandeur de la Légion d’honneur », s’éteint chez lui, à quatre-vingt-neuf ans.

L’ouverture du testament dévoile l’ultime pensée du « Père Laborem » dans un codicille en faveur de son personnel bientôt informé du partage d’« un legs de quinze millions de francs, net de tout droit et de tout frais, entre les employés de la Samaritaine, sans distinction de grade ni d’emploi, mais au prorata des années de présence ». Et comme le remémore vingt ans plus tard l’écrivain Paul Jarry en évoquant Ernest et Louise Cognacq : « Ils donnaient aux autres l’argent qui n’était pas utile au développement de leurs affaires ! »

Mais la générosité du couple se double aussi de civisme, lorsqu’aux premiers jours de la guerre de 1914, on apprend par Le Figaro que « les magasins de la Samaritaine ont mis à la disposition du ministère de la Guerre, une ambulance de cent lits ».Rien d’étonnant maintenant à ce que maintes artères urbaines commémorent par les noms d’Ernest Cognacq ou de Cognacq-Jay le souvenir, certes d’une enseigne prestigieuse née de l’énergie à toute épreuve de ses fondateurs mais, au-delà, celui d’une exemplarité sociale et d’une solidarité humaine de toute rareté.


Succession

Aux premiers jours de mars 1928, Gabriel Cognacq est ratifié à son poste de premier gérant de la maison, désormais dénommée « Les Grands Magasins de la Samaritaine ». Son ami, Georges Renand, si proche de lui durant les combats de 1914, ex-banquier, est nommé administrateur délégué de la firme de crédit La Semeuse, puis directeur adjoint aux côtés de Gabriel.

La tâche complexe revenant maintenant à celui-ci en qualité d’héritier désigné se répartit sur plusieurs plans. À la gestion des biens, s’ajoute l’accomplissement des exigences testamentaires. Avec respect, loyauté et détermination, Gabriel parvient à faire réaliser les souhaits de son oncle. Celui-ci laisse à la Ville de Paris ses collections et l’immeuble, 25 boulevard des Capucines, jouxtant La Samaritaine de luxe, afin les présenter au public et fonder le Musée Cognacq-Jay, inauguré, en 1929, par Gabriel, versé comme son oncle dans l’art pictural.

Parallèlement, il poursuit la politique commerciale de ses prédécesseurs en proposant à la clientèle une évolution permanente, une diversification des articles, mais également des innovations dans l’organisation, chaque rayon devenant à lui seul une petite succursale dépendant de la grande. Gabriel maintient le caractère philanthropique et la générosité à l’égard du personnel tout en augmentant la surface de vente. En 1930, s’ouvre le magasin n°3, situé entre les rues de Rivoli et Boucher. Sa façade marque la dernière réalisation de l’architecte Sauvage dont la maladie obligera la direction à solliciter son collaborateur Louis-Marie Charpentier pour élaborer celle du magasin n°4, créé en 1932, entre la rue de Rivoli et la rue Baillet.

En 1951, au décès de Gabriel Cognacq, Georges Renand « hérite » de la lourde responsabilité de directeur qu’il partage avec son fils Maurice. La Samaritaine atteint alors son zénith. C’est le plus grand et le plus aimé des grands magasins parisiens – appellation confirmée par ses 48 000 m2 de surface de vente. La maison fonctionne parfaitement. Quatre semaines de congés annuels enchantent un personnel dont l’ancienneté génère encore des jours supplémentaires. La quincaillerie, la mercerie et évidemment la confection, maintiennent un succès fou auprès du public. Les nocturnes du mercredi jusque 22 heures, inaugurés en 1969, attirent quantité de clients au sortir de leur bureau. On dispose même au dernier étage du magasin n°3 d’une étonnante ménagerie où l’on peut acheter les animaux les plus divers, depuis des chats, des chiens, voire des faisans ou des boas, et même, sur commande, des caïmans ou des ratons-laveurs. La fameuse publicité de la Samaritaine prend de ce fait une véracité incontestable : on y trouve tout !

Et puis… et puis… arrivent les années 1970-1980 avec des chiffres en perpétuel recul. En 1985, Cristo empaquette le Pont-Neuf générant un nouveau slogan : « Moi, La Samaritaine m’emballe ! » Le clin d’œil fait sourire… En 1988, le musée Cognacq-Jay abandonne son site du boulevard des Capucines et transfère l’ensemble des collections, tableaux et œuvres d’art, dans le Marais, à l’hôtel Daunon, complètement restauré pour les accueillir, tandis que cette Samaritaine de luxe se transforme en bureaux.

En 1998, deux magasins sur quatre sont loués à d’autres enseignes. Sitôt l’an 2000 passé, le déficit stagne, s’alourdit, contraignant ce légendaire établissement parisien à fermer ses portes pour remises aux normes, croit-on. Sa fermeture s’avère en réalité définitive.

Passée aux mains de LVMH, et après seize années de fermeture, de controverses et de travaux, La Samaritaine, sur son quai de Seine, le visage « repomponné », trônant toujours devant notre bon roi Henri, reprend vie le 23 juin 2021. Ses portes s’ouvrent sur un décor intérieur contemporain particulièrement élégant, cadre prestigieux imaginé par d’inventifs concepteurs respectueux du hall « Jourdain » paré de ses tons gris et or initiaux. Et puis on y voit la mode, la maroquinerie, « l’art de vivre » et un hôtel haut de gamme. On croit assister au retour de La Samaritaine de luxe… Elle aussi a d’ailleurs fait peau-neuve ! Dès le départ des bureaux qu’elle a longtemps abrités, on s’est aussitôt mis, durant des mois et des mois, aux petits soins pour elle…Le 23 août 2021, ce bâtiment caractéristique retrouve sa fraîcheur de nouveau-né et l’éclat du dernier cri architectural qu’il symbolise depuis 1917, lorsqu’il a vu le jour, boulevard des Capucines. Le luxe y a repris ses habitudes par le biais d’un hôtel très chic constellé d’étoiles.

Et il y a les bâtiments de la rue de Rivoli… Se substituant aux conceptions de Jourdain, le xxie siècle s’est exprimé à son tour avec les matériaux de son temps, provoquant, comme toujours pour les magasins de la Samaritaine, quantité de jugements, sévères ou amusés.

Reste qu’en semblant onduler devant les hautes façades, cet étrange « rideau » de verre traité, si discuté, nous permet d’imaginer que s’il s’ouvrait soudain à l’instar de celui d’un théâtre, il nous dévoilerait, ô spectacle inattendu, L’Histoire de La Samaritaine !


Au bonheur des messieurs

Peut-être navrés de les voir sans cesse attendre leur épouse, M. et Mme Cognacq comprennent que les messieurs peuvent être choyés à leur tour et à des prix abordables, avec des costumes chics, des pardessus confortables et des chapeaux élégants. Sous l’impulsion apportée par cette direction attentive, soucieuse du bon goût et un brin tentatrice, ces clients initialement néophytes en matière de mode, deviennent, face à la nouveauté, à la diversité des choix proposés, et grâce à l’habile pédagogie vestimentaire, des messieurs difficiles, pointilleux voire raffinés.

 
 
 

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