Hôtel de Sully un joyau du Marais entre cour et jardin
- anaiscvx
- May 2, 2024
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Michel Faul
4e arrondissement
Avec son entrée principale au 62 rue Saint-Antoine et sa discrète porte côté jardin ouvrant sur la place des Vosges, l’hôtel de Sully est l’un des plus beaux hôtels particuliers du Marais. En forme de U, cet hôtel comporte un corps de logis central avec deux ailes délimitant une cour d’honneur, un hôtel entre cour et jardin (ouverts au public), caractéristique depuis le Moyen-Âge de l’hôtel dit « à la française ».

Tout commence en 1624 lorsque Mesme Gallet, contrôleur des Finances de Louis XIII, se fait construire un hôtel entre cour et jardin, et disposant d’une orangerie dans le quartier à la mode de l’époque, le Marais. Aucune certitude sur l’architecte des bâtiments même si des noms sont avancés comme Androuet du Cerceau. Gallet ne va pas habiter son hôtel car il perd au jeu et doit le vendre à un créancier qui lui-même le revend… avant qu’il ne soit acheté en 1634 par Maximilien de Béthune, duc de Sully, ancien ministre d’Henri IV, rappelé par Louis XIII.
Assez curieusement, le choix de la pierre de taille comme matériau de construction différencie cet hôtel de ceux de l’époque Louis XIII en briques et aux ouvertures encadrées de pierres de taille, la place des Vosges toute proche en est d’ailleurs une parfaite illustration. Un choix coûteux qui annonce l’époque classique.
Quant au choix décoratif extérieur, il est assez original pour l’époque : on admire une profusion du décor sculpté avec des motifs ornementaux représentatifs de la fin de la Renaissance avec par exemple des têtes de femme, des motifs végétaux, les allégories des saisons (l’hiver et l’automne côté cour, l’été et le printemps côté jardin), les quatre éléments (côté cour), etc.
Au milieu des hautes façades de la rue Saint-Antoine, l’hôtel de Sully se distingue par les tonalités jaunes de la pierre et l’allure monumentale donnée par les deux pavillons qui encadrent un portail surmonté d’une terrasse. Après être passé sous le porche, on accède à la cour d’honneur, entièrement pavée. À droite, sous des arcades, étaient abrités les carrosses et calèches des visiteurs et propriétaire, l’aile gauche étant celle de la cuisine et des communs.
Après avoir traversé le corps de logis central on accède au jardin au fond duquel se tient l’orangerie composée d’un corps central reposant sur cinq arcades, encadrée de deux pavillons. La porte du pavillon de droite donne accès à la place des Vosges.
Sully mourra six ans après le rachat de l’hôtel. Il y aura reçu notamment Voltaire et Mme de Sévigné, sa voisine de l’hôtel Carnavalet. À la mort de sa seconde épouse, l’hôtel devient la propriété de l’aîné de ses petits-fils, le deuxième duc de Sully, Maximilien-François, marié à Charlotte Séguier. Et telle est la raison de l’aile de bâtiment située côté jardin (à gauche en regardant vers la place des Vosges). En effet, le deuxième duc de Sully et son épouse, Charlotte Séguier, profitent du mariage de leur fils pour agrandir leur hôtel devenu trop exigu pour abriter deux ménages menant grand train. À l’époque en effet, il est d’usage d’aider les nouveaux mariés en les hébergeant un temps. Dans cette « aile neuve » (qui, bien que construite plus de trente ans après l’hôtel, est en parfaite harmonie architecturale avec lui), ils ordonnent l’aménagement de deux appartements : le duc de Sully choisit d’occuper le rez-de-chaussée et son épouse, les pièces de l’étage.
L’appartement de la duchesse de Béthune-Sully a subsisté : il se compose d’une antichambre, d’une chambre avec une alcôve, d’un oratoire et d’un petit cabinet. Il n’est ouvert à la visite que rarement. Précipitez-vous si l’occasion se présente : de nombreux décors et mobilier, peintures, sont encore visibles aujourd’hui.
Il est en revanche recommandé de pénétrer dans la salle qui abrite aujourd’hui la librairie. Cette grande salle basse du rez-de-chaussée a en effet conservé son plafond du xviie siècle, à poutres et solives peintes, caractéristique des plafonds dits à la française. Cette salle était autrefois consacrée aux réceptions et aux fêtes.
Disposé au centre du corps de logis principal, le grand escalier bâti en pierre mérite l’attention : il comprend plusieurs volées droites et des paliers, soutenus par un mur central avec un décor sculpté de toute beauté. Le palier du premier étage dessert, à gauche, la chambre du ministre Sully, dont il ne subsiste que le plafond à poutres et solives, et la grande salle haute, à droite.
Après avoir hébergé divers négociants après la Révolution, et abrité même une école pour filles, l’hôtel est loué au xixe siècle à de nombreux artisans, à des boutiques avec en plus des appartements de rapport. Des constructions supplémentaires viennent enlaidir l’ensemble.
Heureusement, la comtesse de Béhague achète l’hôtel en 1920 et commence à résilier les baux des divers locataires. Elle entreprend un début de restauration, mais meurt en 1939. Ses héritiers cèdent finalement l’hôtel à l’État en 1944 et sa restauration débute en 1952 avec la destruction de multiples constructions parasites. Jusqu’en 1975 est menée une restauration complète des extérieurs comme des intérieurs.
Depuis 1967, l’Hôtel de Sully est le siège du Centre des monuments nationaux.
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