Christophe Dechavanne « Je dois tout à Montmartre… »
- anaiscvx
- May 2, 2024
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Avant d’être l’animateur vedette de Ciel mon mardi ! et Coucou c’est nous !, Christophe Dechavanne a été un enfant de la Butte. Amoureux de Montmartre, il en a arpenté toutes les rues, fait les quatre cents coups et y a passé cinquante ans de sa vie. À soixante-cinq printemps, l’invité permanent de Quelle époque ! sur France 2 au côté de Léa Salamé se remémore une époque disparue où Montmartre était un village dont les enfants étaient les rois…
Propos recueillis par François Viot

Comment était le Montmartre de votre enfance ?
C’était un village à part non loin de Paris. Pour nous la place de Clichy c’était déjà un bout du monde… Tout le monde se connaissait, j’allais taper 20 Francs au pharmacien que je lui rendais. C’est le Montmartre d’avant, d’il y a soixante ans, j’y ai vécu de ma naissance à vingt-quatre ans. Il n’y a pas un escalier de Montmartre que je n’ai pas descendu à moto…
Il paraît même que vous faisiez du ski…
À l’époque, il neigeait tous les hivers. J’avais gardé une paire de skis en bois avec une raie rouge dessus et un ressort pour les fixations. Je montais place du Tertre en voiture et je descendais par la rue Caulaincourt à ski jusqu’à la rue Saulnier. J’habitais au bout de la rue, inaccessible en voiture. Et quand en hiver il y avait du verglas, j’entendais les bagnoles qui venaient s’écraser sur les bornes, rue Saint-Vincent.
Claude Lelouch qui habite à Montmartre racontait qu’une concierge lui aurait dit un jour : « Je sais qu’il y a une rivière à Paris mais je ne l’ai jamais vue. » Êtes-vous comme elle un vrai Montmartrois ?
J’étais comme un poulbot. Je suis né à Montmartre, j’en connaissais chaque recoin. Mes parents étaient Montmartrois, ma grand-mère y habitait avant que je naisse. Ma première école était là-haut avec un immense parc où nous avions nos récrés. Ma deuxième a été l’école de la Maîtrise de Montmartre. J’allais au cinéma rue Marcadet. J’ai connu le temps des camions avec des sacs à charbon que les mecs livraient. J’ai fait les vendanges. Un jour, j’ai même été leur parrain. J’y ai appris à marcher, manger, boire, à faire l’amour. Je dois tout à Montmartre…
J’ai lu que vous habitiez avec votre famille près d’un cimetière…
J’habitais un 140 m2 sur trois étages à côté du cimetière de Saint-Vincent. C’était très calme, fleuri à la Toussaint… Maman, qui faisait attention à ses sous, achetait des boîtes de crabe pour les grandes occasions qui n’arrivaient jamais. Alors, avec ma sœur, quand nos parents sortaient, on ouvrait une boîte de crabe qu’on mangeait. Et pour ne pas se faire gauler, je montais au troisième étage et je la jetais dans le cimetière. Le gardien n’en pouvait plus de trouver des boîtes de crabe vides, toujours au même endroit. Des années après, quand j’ai enterré ma mère dans ce cimetière, je l’ai mise en bière avec sa broche préférée et une boîte de crabe. Et nous avons refermé son cercueil…
Comment trouvez-vous le Montmartre d’aujourd’hui ?
Il est devenu très touristique, avec beaucoup moins de commerces. La petite boulangerie et le libraire ont été remplacés par des boutiques modernes monstrueuses. Le Gaumont Palace où j’ai vu Ben-Hur a cédé sa place à un immonde hôtel. Mais cela reste Montmartre. Les endroits qui sentaient le pipi quand j’étais petit, sentent toujours le pipi. Je suis revenu vivre à Montmartre rue Lepic, non loin de l’endroit où j’avais vécu vingt ans auparavant. C’est toujours plein de charme. Je n’y habite plus maintenant mais j’y aurai passé la plus grande partie de ma vie. J’ai soixante-cinq ans, dont cinquante vécus à Montmartre.
Où avez-vous habité après ?
Ma mère a vendu la maison quand j’avais dix-huit ans. J’ai habité mon premier appartement – un deux pièces – dans un square du 15e arrondissement. Puis dans le 17e, non loin des bureaux où j’avais ma boîte de « prod » Coyote. J’ai acheté un appartement assez grand dans lequel je suis resté de 1996 à 2022.
Vous avez quitté Paris pour la banlieue ouest…
C’est vrai. J’avais oublié que, dans mes pérégrinations, j’ai habité à Saint-Cloud une petite maison en meulière au-dessus de la gare. Mon fils Paulo y est né.
Quels monuments de Paris aimez-vous ?
J’aime l’architecture de Paris, qu’on ne voit pas quand on est en bagnole. Quand on est à pied, on découvre des trucs de « ouf ». J’aime pousser les portes, découvrir des petits passages et des cours secrètes.
Et votre église préférée ?
J’habite maintenant à Saint-Augustin. Ce n’est pas la plus belle de Paris. Notre-Dame, oui, bien sûr. Mais la plus mignonne pour moi, c’est l’église Saint-Pierre de Montmartre, place du Tertre. Et la plus magnifique, celle des Invalides. Quand j’étais petit, j’ai été garçon d’honneur au mariage de mon cousin militaire.
Et le pont ?
Sans conteste, le pont Alexandre III. J’ai toujours rêvé d’avoir l’appartement en haut à gauche, avec une belle verrière. Et j’aime aussi le pont de l’Alma pour son Zouave.
Cette gouaille de titi parisien, l’avez-vous acquise dans le Montmartre populaire ?
Non, c’est l’école de vie. J’ai été élevé par des parents plutôt bourgeois ; mon grand-père avait un hôtel particulier à Neuilly… Annie Girardot habitait dans la maison collée à la mienne. C’était la propriété d’Yves Mathieu, une grosse baraque ; il m’a mis un coup de boule. Adolescent, je faisais le con dans la rue. C’est maintenant un vieux monsieur de quatre-vingt-quatorze ans qui se porte comme un charme. J’avais ma chambre sous les toits au-dessus du cabaret Au Lapin Agile qui jouaient des chansons jusqu’à deux heures du matin et m’empêchait de dormir.
C’est le Paris de carte postale d’Amélie Poulain et d’Emily in Paris…
Les fans d’Emily in Paris risquent d’être déçus. Paris est devenu un champ de ruines avec des nids de poule. Je ne vais pas taper sur Anne Hidalgo, tout le monde le fait. Mais c’est devenu absolument dégueulasse...
Et la circulation à Paris ?
Parlons-en. La mairie avait mis un sens interdit et un feu dans une rue qui descend rue Caulaincourt. Tous les Provinciaux qui venaient visiter Montmartre s’enfilaient dedans jusqu’à créer de gigantesques embouteillages de trois cents voitures, qui partaient de la rue Lepic jusqu’au bas de la rue Junot. On le sait, Montmartre est construit sur des carrières. C’était un truc de malade. Un jour, j’ai appelé Bertrand Delanoë pour lui dire : « Vous aimez Montmartre, vous êtes en train de le tuer. » Il a tout annulé…
Souhaitez-vous que votre dernière demeure soit à Montmartre ?
J’ai réservé ma place au cimetière de Saint Vincent. Je ne pouvais pas élargir le caveau alors j’ai construit à la verticale. Bertrand Delanoë m’a aidé. Je l’ai fait pour que mes enfants aient la paix ; il n’y a rien de plus chiant que de s’occuper de cela quand on est gamin. Il n’y a plus qu’à ouvrir et je rejoindrai ma mère et ma sœur qui y sont enterrées.
Au côté de Léa Salamé dans le talk-show du samedi soir Quelle époque !, vous avez fait en 2022 un retour gagnant à la télé en étant plus sage…
Je me suis assagi parce que la place que j’ai, n’a pas été facile à trouver. Pendant trente ans, j’ai été à celle de Léa. Cela m’a demandé quatre à cinq émissions pour trouver mes marques. Je suis plus à l’aise, je pose aux politiques des questions qui « fâchouillent », que les journalistes politiques n’osent pas toujours poser. C’est beaucoup de travail. Je n’ai jamais autant bossé. Je suis mort quand je sors de l’émission. Cela me demande d’être sans cesse aux aguets…
Vous avez le rôle de l’invité permanent mais en prenant davantage de place ne craignez-vous pas de faire de l’ombre à Léa Salamé ?
Non parce que l’émission n’est pas présentée à deux. Elle l’est par Léa. On est suffisamment pote pour qu’elle me dise si je lui porte ombrage. Je n’aimerai pas être là si je l’agace. Je pense toujours davantage aux autres qu’à moi dans la vie en général.
Vous dites : « Si je jouais au tennis, ma spécialité serait le revers. » Pourquoi revenir à la télé au risque de connaître l’échec ?
Ma carrière a été en dents de scie avec de grandes dents… Il faut croire que c’était important pour que j’abandonne un voyage de huit semaines prévu cet été pour être prêt pour Quelle époque ! Je ne pouvais pas trouver plus bel écrin pour mon retour. Je suis dans l’émission parfaite, maligne avec des gens intelligents, de l’humour… Je suis revenu à un moment où j’avais pris conscience que c’était terminé pour moi. C’est comme l’amour quand on cherche, on ne le trouve pas et il vous tombe sur le nez quand on s’y attend le moins…
Vous qui avez animé les plus grands formats, si on vous avait proposé d’animer un jeu…
Je ne l’aurais pas fait. J’en ai un peu fait le tour. Je me suis éclaté avec La Famille en or, je me suis amusé comme un fou avec La Roue de la fortune. Revenir à la télé, je m’en serais passé si cette proposition n’avait pas été alléchante. Plutôt que de ne rien faire, je préfère faire quelque chose que je fais plutôt pas mal : ce métier.
Vous avez dit que vous voudriez tenter un one man show avant de mourir. Où en êtes-vous ?
Quand je vois l’âge de Michel Drucker, je me dis que j’ai toutes mes chances et que j’ai encore le temps…
Coucou le revoilou !
Christophe Dechavanne a tout fait à la télé et à la radio : animateur de l’après-midi, de talk-shows, de jeux, présentateur des Grosses Têtes et producteur de formats comme Combien ça coûte ! et Bienvenue chez nous. De TF1 à Canal+, l’animateur de Ciel mon mardi ! a enchaîné les hauts et les bas. À soixante-cinq ans, il effectue un retour gagnant comme invité permanent au côté de Léa Salamé dans Quelle époque ! – plus d’un million de fans en moyenne pour le rendez-vous du samedi soir sur France 2. L’agité du petit écran y est plus posé et aime faire des interviews. Comme dans Dechavanne cherche copains !, un nouveau podcast où il reçoit en toute décontraction les gens qu’il aime : femmes ou hommes politiques, célèbres ou inconnus, influenceurs ou auteurs… Lancé en partenariat avec Acast une plateforme indépendante, ce « Tinder de l’amitié » prévoit un nouvel épisode chaque semaine. Dans les premiers, ont été invitées Marlène Schiappa, secrétaire d’État chargée de l’économie sociale et solidaire, Léa Moukanas fondatrice de l’association Aïda qui soutient les jeunes malades du cancer… Nul doute qu’il rencontrera aussi des médecins qui sont engagés comme lui dans la lutte contre le sida et pour la capote gratuite aux mineurs. Son slogan « Sortez couverts ! » a marqué toute une génération…
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